La journée avait mal commencé, un mauvais rêve avait hanté Matt pendant son sommeil. Quel était-il ? Hé bien, une famille heureuse, très heureuse. Qui riait gaiement, naïvement. Lui, observait, au coin de la maison, cette scène familière, dont il était le protagoniste. Un couple aimant, un ventre rond, un bon foyer chaleureux… Un sourire, puis la conscience. La lame des souvenirs, qui lui rappelait, que cette scène n’était plus. Que jamais plus elle ne pourrait se jouer. Qu’un membre manquait, qu’un autre avait perdu la raison, et les derniers, l’innocence. Deux poings serrés. La rage au ventre, le bruit sourd dans ses oreilles. Pourquoi se torturait-il l’esprit ? A quoi bon se torturer l’esprit…
Le passé reste le passé. Il faut le laisser à sa place, afin qu’il n’empiète pas sur le présent, et n’entache pas le futur.
Se forçant à se réveiller, il se retrouva dans son lit, ramenant les cheveux collés à son front par la sueur en arrière. Une douche, oui, il avait besoin d’une bonne douche froide qui le réveillerait bien et le sortirait de ce songe. Debout, torse nu et en bas de pyjama, il n’eut qu’à se réfugier dans la petite salle de bain relié à sa chambre. L’eau s’écoula, il ne prit pas la peine de retirer ses vêtements, encore inconscient, ne voulant que s’évader. S’évader, s’envoler, tel un papillon, battre des ailes et voltiger, laissant libre court à ses envies.
Une envie particulière ? Oui, il en avait. Elle le frappa d’autant plus lorsqu’il se retrouva face au miroir. Son épaule gauche arborait un papillon noir et blanc, magnifique. Ses pensées étaient toutes tournées vers Elle. Fixant ses yeux océan dans le miroir, il se lança à lui-même un sort d’illusion. Complexe, mais réalisable, il ne désirait qu’une chose, et il se concentra pour parvenir à y arriver. Elle était là, à ses côtés, entourant le torse d’éphèbe dans ses bras. Ses longs cheveux violets aux reflets rosés, son odeur sucrée, son contact… Etait-ce grâce à l’illusion, ou bien arrivait-il à imaginer clairement la femme fatale à ses côtés ? Sienne, enfin.
Il secoua sa tête, se cheveux en bataille auxquels perlait de nombreuses gouttes. Les yeux de nouveau face au miroir, elle avait disparu, mais son contact semblait toujours là. Passion.
Se séchant, puis se recoiffant à l’aide de ses mains, il attacha ses cheveux qui avaient un peu poussé en une queue de cheval comme à son habitude, quelques mèches uniques retombaient sur les côtés. Changer ? Et puis quoi encore. Se redirigeant vers sa chambre, il opta pour un pantalon noir et des chaussures en cuir noir également. Sa chemise était blanche, au col intérieur blanc, une coupe ni trop serré ni trop large qui lui allait bien. Un nœud en lacet, pour accompagner, ça lui prenait quelques fois allez savoir… Il était tôt, il en profita pour aller travailler. Chercheur assidu, il ne manquait pas une matinée de travail. Aujourd’hui, c’était son tour. Une journée comme une autre. Et pourtant, il ne put s’empêcher de penser à Elle, entre deux solutions à diluer. A l’heure du repas, reposant sa blouse blanche et ses lunettes de sécurité, il se dirigea vers la sortie.
Pourquoi cet endroit en particulier ? Cet endroit où il pourrait peut-être la rencontrer. Voilà la raison. Le lui avouer ? Non. Cela lui ferait trop plaisir, et elle tournerait la situation à son avantage. Était-ce mal de désirer ? Était-ce mal de rechercher la paix intérieure ? Sa paix…
Le salon de thé n’était pas trop occupé, il se posta au comptoir, où normalement, on ne s’installe pas vraiment.. Il voulait juste avoir une bonne vision panoramique de la salle. Grand, il l’était affreusement, et la serveuse, nouvelle certainement, fuyait son regard. Amusé, il lui adressa la parole, lui posant certaines questions sur les différents thés qu’ils servaient en ce lieu, feignant d’être un nouveau client, et surtout, de ne rien connaitre au breuvage.
Alors que celle-ci rougissait, totalement sous son emprise, il tourna sa tête, Elle était là. Depuis combien de temps ? S’il le savait… Il continua cependant à feindre la conversation avec la serveuse, avant de terminer en commandant une banale tasse de thé vert. Il se rapprocha ensuite d’Elle, un regard doux, et un sourire en coin aux lèvres.
Il prit une place à la table à côté, le siège juste derrière elle, et en son dos, lui demanda d’une voix faussement innocente ;
-Quelle surprise de vous rencontrer en ces lieux, Lady Miyako.
Puis en se penchant légèrement en arrière, de manière à frôler son siège il continua ;
-Je me demande, quel breuvage a obtenu votre grâce aujourd’hui ?
Il ferma les yeux, afin de se concentrer sur sa voix, la voix de sa Shana.
